OpenAI a publié un guide intitulé A Practical Guide to Building Agents, disponible en PDF (lien en bas de page). Ce document propose une approche structurée des agents basés sur les LLM (Large Language Models), avec un focus assumé sur l’écosystème OpenAI.
C'est un "getting started", volontairement simplifié, qui pose les bases d’une réflexion plus large sur la manière de concevoir des systèmes autonomes capables d’interagir avec des outils métiers, de prendre des décisions, et d’évoluer dans des environnements réels.
On y retrouve des principes intéressants, des exemples pratiques, et quelques orientations qui méritent d’être complétées ou challengées - notamment si l'on ne s’inscrit pas strictement dans le périmètre OpenAI.
Document complet ici : 📄 A practical guide to building Agents
Définition d’un agent
Dans le cadre posé par OpenAI, un agent est un système autonome capable d’exécuter une tâche pour le compte d’un utilisateur, en interaction avec des outils et un environnement.
L’agent ne se contente pas de générer une réponse comme le ferait un chatbot classique ou une simple intégration de LLM. Il raisonne, agit, réévalue son état, et sait s'arrêter ou renvoyer la balle à un opérateur humain.
Concrètement, l’agent :
- prend des décisions (souvent via une boucle de réflexion comme ReAct ou Chain-of-Thought),
- appelle des outils (API, fonctions internes),
- peut apprendre de ses erreurs ou du moins tenter de s’auto-corriger,
- remet le contrôle à l’utilisateur en cas de doute ou de blocage.
Une entité autonome, mais pas magique
Il faut revoir nos attentes : un agent n’est pas une IA toute-puissante. Il repose sur un LLM : puissant, mais faillible. On doit cadrer ce qu’on lui demande, ce à quoi il a accès, et les limites de son champ d’action. Le guide insiste sur ce point : un agent doit disposer d’instructions claires, de garde-fous robustes, et savoir échouer sans conséquence.
Modèle ≠ Agent : une distinction essentielle
Il faut bien distinguer l’agent du modèle de langage (LLM) qui l’alimente.
L’agent est l’architecture logique, le système décisionnel et le contrôleur de l’exécution. Le LLM, lui, est une brique de calcul, interchangeable, que l’on peut adapter selon les besoins.
Cette dissociation est importante pour garantir la pérennité du système face aux évolutions rapides des modèles, et pour optimiser les coûts en choisissant, au cas par cas, le modèle le plus adapté à une tâche donnée..
C’est un point que le guide évoque indirectement, mais qui mérite d’être gardé en tête tout au long de la conception.
Et côté métier ?
D’un point de vue opérationnel, cette définition peut paraître ambitieuse : rares sont les cas où l’on veut vraiment déléguer entièrement une tâche à un système automatique. Mais ce cadre peut servir de boussole. Il pousse à se poser les bonnes questions :
- Que fait-on faire à un agent ?
- Quels outils a-t-il le droit d’utiliser ?
- Quels sont les signaux de réussite ou d’échec ?
- À partir de quand faut-il reprendre la main ?
Et surtout : à quel moment l’automatisation devient plus risquée qu’utile ?
👉 Ce premier chapitre du guide rappelle que l'Agent est un acteur dans un système, pas juste un outil passif.
Quand utiliser un agent ?
Le guide identifie plusieurs cas où les approches classiques (règles, automatisation déterministe) atteignent leurs limites. L’agent devient alors une solution pertinente pour apporter de la flexibilité, du raisonnement et de l’adaptabilité.
Trois grands cas d’usage
- Décisions complexes : Lorsque la tâche demande du jugement, une interprétation nuancée ou une prise en compte du contexte (ex. : validation d’une demande, ajustement d’une réponse en fonction du profil utilisateur).
- Règles difficiles à maintenir : Dans les systèmes à forte variabilité métier, où les règles changent fréquemment, deviennent imbriquées ou difficiles à expliciter.
- Données non structurées : Lorsque l’entrée à traiter est exprimée en langage naturel, provient de documents, de tickets, ou nécessite une interprétation libre.
Introduire de l’intelligence dans les zones grises
L’intérêt d’un agent se situe souvent dans ces zones grises : là où l’automatisation classique échoue faute de structure claire, ou là où une logique rigide génère trop d’exceptions.
Mais cela implique aussi d’accepter une part d’incertitude, et donc de poser des limites.
Des critères métier à challenger
Avant de recourir à un agent, il est utile de se poser quelques questions :
- Une règle explicite suffirait-elle ?
- La tâche est-elle suffisamment floue ou variable pour justifier un LLM ?
- Quelle est la marge d’erreur acceptable ?
- L’agent peut-il être supervisé ou audité facilement ?
Ne pas tout automatiser
Ce point est crucial : vouloir “agentifier” chaque étape d’un processus est souvent contre-productif. Les agents brillent dans les zones grises : là où on a autant de règles que d'exceptions, et où les humains saturent.
Mais dans les situations simples, critiques, ou répétitives, une approche plus directe (code, règles, workflow statique) sera souvent plus fiable et économique.
👉 Le bon usage d’un agent, c’est souvent de compléter un système existant, pas de le remplacer.
Composants d’un agent
OpenAI identifie trois composantes fondamentales à tout agent. Cette structure permet de raisonner clairement sur sa conception, son évolution et sa maintenance.
1. Le modèle
Le modèle de langage (LLM) est le cœur cognitif de l’agent. C’est lui qui interprète les instructions, génère les réponses, choisit les outils à appeler, et déduit les prochaines actions.
💡 À noter : le modèle n’est pas l’agent. Il en est une brique fonctionnelle, interchangeable si l’agent a été conçu de manière modulaire (cf. point déjà évoqué). On peut utiliser des modèles différents selon les tâches (GPT-o3 pour le raisonnement, GPT-3.5 pour de l’analyse simple - et on peut bien sûr aller piocher des modèles en dehors de l'écosystème OpenAI).
2. Les outils
Les outils sont les fonctions externes que l’agent peut invoquer : API, scripts maison, actions sur un logiciel métier, base de données, etc.
Ils permettent à l’agent de passer à l’action dans le monde réel ou dans un système d’information.
Leur intégration est cruciale : plus un outil est bien défini (inputs/outputs clairs, erreurs gérées), plus l’agent sera stable.
👉 Un bon agent n’a pas besoin de “deviner” comment fonctionne un outil : tout est documenté et structuré en amont.
3. Les instructions
Les instructions définissent le rôle, les règles, les limites et le ton de l’agent. Il s’agit d’un mélange de prompt engineering et de spécifications métiers.
Elles peuvent inclure :
- ce que l’agent est censé faire (et ne pas faire),
- comment il doit structurer ses réponses,
- à quel moment il doit appeler un outil ou demander de l’aide,
- quelles informations doivent être systématiquement prises en compte.
Une bonne instruction n’est pas forcément longue, mais elle est précise, testable et contextualisée.
En résumé : un agent, ce n’est pas juste “un GPT avec des plugins”.
C’est une architecture claire articulant un cerveau (le modèle), des mains (les outils) et une mission (les instructions).
Et c’est dans l’équilibre entre ces trois éléments que réside la robustesse d’un agent en production.
Orchestration des agents
Concevoir un agent, ce n’est pas forcément imaginer un bloc unique qui fait tout.
Selon les cas d’usage et la complexité des tâches, plusieurs architectures sont possibles. Le guide distingue principalement deux approches.
1. L’agent unique
C’est le modèle le plus simple : un seul agent prend en charge l’ensemble du processus.
Il interagit avec les outils, prend des décisions, et boucle jusqu’à ce que la tâche soit considérée comme terminée.
✅ Avantages :
- Simple à implémenter
- Adapté aux POC et aux workflows linéaires
⚠️ Limites :
- Difficile de gérer des cas complexes
- Moins facile à maintenir et à étendre dans la durée
2. Le système multi-agents
Dans cette approche, plusieurs agents collaborent, chacun spécialisé dans une fonction, un domaine ou un rôle.
La coordination peut se faire de deux manières :
- Orchestration centralisée : un agent "gestionnaire" pilote les autres
- Communication distribuée : les agents se passent le relais selon leurs capacités
✅ Avantages :
- Meilleure modularité
- Réutilisabilité des agents
- Possibilité de paralléliser certaines tâches
⚠️ Limites :
- Plus complexe à mettre en œuvre
- Nécessite une gestion rigoureuse des échanges et des statuts
Une réflexion d’architecture
Le choix d’un modèle unique ou distribué n’est pas purement technique : il engage la lisibilité du système, sa maintenabilité, et sa supervision.
Pouvoir tracer les décisions, rejouer un scénario, ou comprendre pourquoi un agent a échoué devient essentiel dès qu’on entre en production. Il faut pouvoir remonter le fil : qui a fait quoi, quand, et pourquoi. Sinon, bon courage pour expliquer à un client ce que l’agent a tenté de faire à 3h du matin.
💡 Le document ne tranche pas : il présente les deux modèles sans préférence. Le bon choix dépend du contexte métier, du niveau d’autonomie souhaité, et du degré de tolérance à l’erreur.
Interopérabilité entre agents : l’initiative A2A de Google
Cette question d’orchestration prend une dimension nouvelle lorsqu’on cherche à faire collaborer des agents issus de frameworks différents.
Google propose une réponse à ce défi avec le protocole A2A (Agent-to-Agent), un standard ouvert conçu pour permettre à des agents de différents fournisseurs ou environnements de communiquer entre eux.
A2A repose sur :
- une fiche d’identité d’agent (Agent Card) exposée à une URL connue (
/.well-known/agent.json
) - un serveur HTTP implémentant les méthodes du protocole
- un système de messages structurés, tâches, statuts et artefacts
- des mécanismes de streaming ou de notification push pour suivre l’avancement des tâches
Il s’agit d’un protocole encore jeune, mais prometteur. Il reflète une volonté de standardiser les échanges entre agents de manière sécurisée, traçable, et agnostique du framework sous-jacent — une étape logique dans l’évolution des systèmes multi-agents, à l’image de ce qu’ont été REST ou GraphQL dans le monde des APIs.
👉 Que l’on reste dans une logique simple ou que l’on envisage un système d’agents distribués, la manière dont ces entités interagissent est un point central à anticiper dès la conception.
Garde-fous et sécurité
Dès lors qu’un agent est autonome, il peut potentiellement produire des résultats erronés, incohérents, voire dangereux.
Le guide insiste donc sur un point fondamental : tout système agentique doit être encadré par des mécanismes de sécurité, pensés dès la conception.
Pourquoi des garde-fous ?
Un agent repose sur un LLM, qui est par nature probabiliste et non déterministe.
On ne peut donc pas garantir qu’il suivra toujours les consignes à la lettre, ni qu’il ne générera jamais de contenu inapproprié ou d’action problématique.
Il faut que l'agent apprenne à :
- éviter les dérives (contenus inadaptés, erreurs graves, comportements hors périmètre),
- protéger les données sensibles (identifiants, informations personnelles),
- assurer une cohérence métier,
- maintenir la confiance des utilisateurs.
Les mécanismes proposés dans le guide
Le document d’OpenAI liste plusieurs approches complémentaires :
- Filtres de contenu : Pour modérer les entrées ou sorties de l’agent (ex : API de modération pour détecter les propos violents, sensibles, etc.)
- Détection de données personnelles : Capacité à identifier des noms, adresses, numéros ou toute information sensible pour les flouter ou les bloquer.
- Évaluation des outils : Chaque outil utilisé par un agent peut être classé selon un score de risque. On peut alors restreindre certains outils à des cas très spécifiques ou imposer une validation humaine.
- Validation des formats : Les réponses de l’agent peuvent être vérifiées (ex : via des schémas JSON ou des tests unitaires) pour s’assurer qu’elles respectent une structure attendue.
- Journalisation complète : Toutes les actions, décisions et réponses de l’agent doivent être loguées, afin de permettre un audit ou une analyse post-mortem en cas de bug ou d’incident.
- Supervision humaine : Dans certains cas, il est pertinent de faire passer l’agent en “mode assisté” : il prépare une action, mais ne l’exécute qu’après validation humaine.
Empiler les couches, pas chercher la solution unique
Un bon agent ne repose pas sur un unique filet de sécurité, mais sur plusieurs mécanismes complémentaires, déployés à différents niveaux :
- le LLM (via le prompt, les systèmes de modération),
- les outils (filtrage des actions autorisées),
- l’agent lui-même (vérifications internes, gestion des erreurs),
- l’interface utilisateur (feedback, supervision).
Autonomie ≠ absence de contrôle
Le niveau de garde-fous dépend du degré d’autonomie qu’on accorde à l’agent :
- Un agent qui effectue des tâches sensibles ou à fort impact doit être encadré strictement.
- Un agent utilisé à des fins exploratoires ou assistées peut fonctionner avec un niveau de tolérance plus élevé.
👉 Quelle que soit l’approche choisie, il faut anticiper les échecs. Un bon agent n’est pas un agent parfait : c’est un agent qui échoue proprement, sans mettre en péril les données, la sécurité ou l’expérience utilisateur.
Bonnes pratiques de développement
Le dernier chapitre du guide s’intéresse à l’implémentation concrète d’un agent, et propose plusieurs recommandations utiles pour maximiser la robustesse, la maintenabilité et la pertinence du système développé.
Ces pratiques ne sont pas spécifiques à l’écosystème OpenAI, et s’appliquent à tout projet sérieux d’automatisation via agent.
Prototyper avec un modèle puissant
Lors de la phase de prototypage, il est recommandé d’utiliser un modèle de langage de haute capacité (par exemple GPT-4).
Cela permet de réduire les biais liés aux limitations du modèle, et de tester le raisonnement et les enchaînements dans de bonnes conditions.
Le passage à un modèle plus léger et plus économique (ex. GPT-3.5 ou autre) peut se faire dans un second temps, une fois les bases consolidées.
Rédiger des instructions précises et testables
Le comportement de l’agent dépend fortement de ses instructions. Celles-ci doivent être :
- claires (éviter les ambiguïtés),
- contextuelles (intégrer les objectifs métiers),
- testables (on doit pouvoir valider qu’elles sont bien suivies),
- versionnées (pour tracer leur évolution).
💡 Il ne s’agit pas d’écrire un prompt “magique”, mais de documenter un comportement attendu avec rigueur, comme on le ferait pour un cahier des charges fonctionnel.
Construire des outils modulaires
Les outils que l’agent peut appeler doivent être conçus comme des briques indépendantes, faciles à tester et à réutiliser.
Chaque outil est une interface vers le monde réel (API, base de données, script métier, etc.) et doit être documenté, stable, et prédictible dans son comportement.
Plus l’outillage est solide, plus l’agent peut être fiable.
Empiler les garde-fous
Les garde-fous (vus précédemment) ne doivent pas être une étape finale, mais partie intégrante du développement.
Cela inclut :
- les validations de sortie,
- les limites d’usage des outils,
- la supervision conditionnelle,
- les systèmes de logs détaillés.
Tester en profondeur
Comme tout système logiciel, un agent doit être testé dans différents scénarios, y compris les cas limites :
- entrées inattendues,
- outils défaillants,
- erreurs de raisonnement,
- contenus sensibles ou ambigus.
Les tests doivent être reproductibles et documentés. Cela suppose une architecture qui permet de simuler des runs et d’en observer les étapes internes.
Versionner instructions et outils
Tout changement dans le comportement d’un agent doit pouvoir être tracé. Cela passe par :
- le versioning des instructions (prompts, règles),
- le versioning des outils (fonctionnalités accessibles, API),
- l’enregistrement des paramètres de chaque run.
Comme tout système sérieux, il faut pouvoir dire : “ce comportement vient de telle version, avec telles règles”. Sinon, on navigue à vue.
Valider avec des utilisateurs réels
Une fois l’agent stabilisé techniquement, il faut l’exposer à de vrais utilisateurs.
Leurs retours permettent de :
- détecter des cas non prévus,
- ajuster le ton ou les priorités,
- affiner les points de friction.
Le guide insiste sur cette phase de “réalité terrain”, trop souvent négligée dans les projets techniques.
Déployer progressivement
Enfin, le déploiement doit être progressif :
- via des tests A/B,
- des déploiements canari,
- ou des phases pilotes contrôlées.
Cela permet de limiter les risques en cas de dysfonctionnement et de mesurer l’impact réel de l’agent sur un sous-ensemble des utilisateurs.
👉 Cette dernière partie du guide est précieuse car elle replace le développement d’un agent dans une logique d’ingénierie logicielle sérieuse.
Un agent est un système complexe, et doit être traité comme tel : avec des phases, des tests, des versions et une vraie gouvernance produit.
Appelez-nous. Vraiment.
Les agents ne sont pas qu’une tendance. Bien conçus, bien encadrés, ils permettent d’automatiser des tâches complexes, de structurer des décisions, ou de faire le lien entre vos outils là où les API seules ne suffisent plus.
Chez LVLUP, nous concevons des agents utiles, supervisables, et taillés pour vos enjeux métiers — pas pour une démo.
Que vous soyez en phase de réflexion, de POC, ou prêt à industrialiser : on vous aide à passer au niveau supérieur.